Un casque sur les oreilles, je jouais nerveusement avec le micro me faisant face. Cela faisait trois heures que j’animais cette émission et il était temps pour moi de raccrocher l’antenne parce que si ça continuait j’allais être tout seul face à mon micro plus personne pour m’écouter. « Bon les amis, c’était votre humble serviteur Shred, j’espère que vous avez passé une aussi bonne soirée que moi, mais il est temps de se quitter. » Fixant la fenêtre de ma chambre, j’attrapais mon paquet de clope avant de faire une pose dans mon monologue pour me l’allumer. « Je vais dédier ce dernier morceau à une fille, je sais déjà ce que vous pensez, c’est idiot, ça a rien à faire dans l’émission. Mais je m’en fou, je dédie ce morceau à une fille qui j’espère que, où qu’elle soit, elle écoute. C’est con, elle se reconnaîtra pas, mais votre humble serviteur à le droit d’être con. Chères amis incultes, je vais vous passer Someone, Somewhere in Summertime de Simple Minds. Et je vous souhaite une bonne fin de soirée par la même occasion. » Débranchant le micro, je lançais la bande son tout en montant le volume que me renvoyait mon casque de dj. C'était con, je savais que Charlie ne se reconnaîtrait pas, mais j'avais besoin d'envoyer cette bouteille à la mer. Besoin de me dire que je faisais autre chose que de me lamenter sur mon sort en me disant que je devais l'éviter comme je pouvais. Ma clope en bouche je me levais pour me mettre à danser dans ma chambre comme un gros idiot tout en chantant. Je savais bien que je chantais faux, c’est pourquoi j’évitais de le faire en public, tournant sur moi-même, je remarquais alors que Raphaël me fixait depuis l’encadrement de ma porte. Pour toute réponse à son sourire amusé, je tirais ma langue tout en grimaçant avant de lui claquer la porte au nez.
Une fois le morceau fini, je rangeais mon matérielle pour le cacher sous mon lit comme je faisais toujours ça. Je réinstallais alors mon matos de mixage sur mon bureau allumant mon ordinateur et branchant ma chaine hi-fi pour avoir un retour en temps réel. Comme je le faisais souvent le soir, je me mettais à composer. C’était simple, ça venait naturellement. Je pensais à ce qui m’arrivait dans la vie, ce qui me touchait, ce qui me blessait, ce que j’aimais. J’y pensais et je laissais mes doigts glisser sur le clavier. Parfois c’était moche, on peut même dire que ça arrivait souvent, mais je ne me démontais pas, je continuais à jouer en attendant l’étincelle d’inspiration pure. C’est après quelques verres de soda et beaucoup de cigarette que je commençais enfin à faire quelque chose de bon. C’est presque avec énervement que mes doigts s’abattaient sur les touches de mon clavier, le boucan que je faisais allait surement déranger Raphaël, mais depuis le temps qu’on vivait ensemble, il semblait s’être habitué. Un sourire satisfait aux lèvres, je lançais la bande que je venais d’enregistrer au piano tout en attrapant un de mes harmonicas. Je réglais quelques trucs sur ma table de mixage avant de relancer l’enregistrement pour me lancer dans un solo d’harmonica. Quelqu’un toqua alors à ma porte. Persuadé que c’était mon colocataire, je finissais mon solo avant de crier pour recouvrir la musique de ma voix : « Si tu viens encore te foutre de ma gueule parce que je chante mal, je te jure, je te fais la tête au carré mec ! » Mon harmonica en main, un sourire amusé aux lèvres, j’ouvrais rapidement la porte pour me décomposer face à la personne qui me faisait face. Un peu perturbé, je passais une main dans mes cheveux avant de rentrer dans ma chambre pour couper l’enregistrement histoire qu’on s’entende penser. « Euh… salut. Je m’attendais pas vraiment à te voir, comme tu t’en doutes. Enfin… entres. » Mon harmonica en main, je l’’invitais à rentrer avant de me rendre compte du bordel qui régnait dans ma chambre. Ma planche de skate trainait sur le sol à moitié recouverte de vêtements sales alors que mon lit complètement défait était recouvert par une pile de cds. C’est de manière agité que je me mettais à ranger ma chambre en fourrant tout dans mon armoire sans douceur. J’avais de plus en plus de mal à affronter Charlie c’est dernier temps, j’avais du mal à être là comme avant pour elle alors qu’elle n’était pas là pour moi.