Je suis arrivé y'a trois jour à Winnipeg mais c'est maintenant la première fois que je sors. Je suis chez mes parents depuis mon retour, je ne sais pas si je vais y rester bien longtemps. Il faudrait que je me trouve un appart tranquille, mais je ne sais pas non plus si j'arriverai à vivre seul. Je sais que c'est le seul moyen pour que je puisse reprendre une vie normale. Je ne suis plus au fond du trou, je n'ai plus vraiment ces pulsions suicidaire. Je vais chez le psy trois fois par semaine. Je suis de nouveau à peu près quelqu'un de normal, même si je sais qu'au fond de moi, jamais je ne serai le même qu'avant.

Je me fais mon petit tour en ville pour repérer où il y a des appart cool au cas où je me décide à franchir ce cap (ce qui n'est pas sûr du tout). Je connais bien la ville, j'y ai vécu pendant 18 ans, mais ça fait 5 ans que je n'y ai pas mis les pieds, il y a eu quelques changements depuis.

Je me fais mon petit tour tranquille, je marche les mains dans les poches. Je n'ai pas peur qu'on me reconnaisse. Je ne pense pas que les gens ici aient beaucoup entendu parlé de mon groupe de rock un peu métal. Ce n'est pas le genre du coin, je me trompe peut-être mais c'est comme ça dans ma tête alors je suis un peu insouciant. C'est ma ville ici, c'est chez moi. Si les gens me reconnaissent c'est parce que je suis le petit Montgomery, pas parce que je suis Morgan le chanteur de The Knights.

À force de marcher je me retrouve au centre-ville, je mate un peu les boutiques du coup. Je m'arrête au starbucks me prendre un Venti chocolat caramel, je continue mon tour avec ma boisson dans les mains. Je m'arrête devant la vitrine d'une boutique d'instrument de musiques. J'ai déjà une guitare mais une nouvelle pour marquer ce début de nouvelle vie, ça me tente bien. Je reste un moment à admirer la vitrine, buvant mon chocolat chaud en même temps. Rien ne presse, je n'ai rien à faire d'autre.

Je déteste faire les boutiques. Vraiment, je déteste perdre du temps dans différents magasins à prendre des fringues et écouter les conseils d’une femme qui ne connaît absolument pas mon style vestimentaire, mais qui veut absolument me vendre des choses que je ne mettrais jamais. Mais comme le disait si bien ma mère lorsque j’étais plus jeune : si tu ne veux pas vivre nue, tu as plutôt intérêt à refaire régulièrement ta garde-robes. Et comme les conseils d’une mère sont précieux, je les suis toujours très attentivement. Mais c’était quand même plus amusant lorsqu’elle venait avec moi et qu’on arrivait à rire de toutes les situations possibles. On mettait des fringues qui n’allaient absolument pas à nos morphologies et on riait comme des folles. C’est dans ces moments-là qu’elle me manque le plus.

J’ai déjà fais plusieurs boutiques, mais rien ne me plait réellement. Je fais la moue en sortant d’une boutique où ils vendent des choses que je ne porterai même pas lors d’une soirée déguisée… Plus court et plus vulgaire que ça, on ne fait pas ! Les mains dans les poches, musique dans les oreilles, je flâne dans les rues à la recherche d’un coin qui pourrait me plaire, mais en réalité, quand le cœur n’y est pas… C’est bien trop difficile ! Je m’octroie une pause chez Starbucks, m’achète une boisson et ressort aussi vite que je suis entrée.

Finalement, je reprends courage et entre dans une nouvelle boutique et m’achète trois jeans – c’est déjà une bonne chose de faite. Il faudrait aussi que je reprenne des hauts, une veste ainsi qu’un manteau, une paire de bottes et des sous-vêtements… autant dire que ma journée de repos va être entièrement bouffée par du shopping alors que je pourrais faire des choses plus intéressantes. Un soupire m’échappe tandis que je poursuis ma route, mais brusquement, je me stop net comme si je me retrouvais devant un fantôme.

C’est mon cœur qui redémarre plus rapidement dans ma poitrine qui me ramène à la réalité. Je n’en crois pas mes yeux, mais vraiment pas ! C’est impossible qu’il soit là… Que ce soit vraiment lui… Je murmure quelque chose que moi-même je ne comprends pas, c’est dire… ! Je suis vraiment sous le choc.

Je balance le gobelet vide dans une poubelle et me rapproche de lui, lentement, discrètement… Peut-être que j’ai une sorte d’hallucination ou que sais-je encore ! On ne sait jamais, il arrive parfois que le cerveau produise des images qui semblent réelles mais qui ne le sont absolument pas. Mais là, il semble être là. En chair et en os.

« Mo… »

Ma voix se fait la malle – ou comment passer pour une débile en l’espace de trois secondes. Allez, je me reprends !

« Morgan ?! »

Au cas où il ne se souviendrait pas de son prénom, évidemment… Je préfère lui dire, hein. Uh. Je suis vraiment ridicule. Y a pas un trou dans lequel je pourrais disparaître dans le coin ?

Une nouvelle guitare, c'est vraiment ce qu'il me faut. Maintenant que je suis devant cette vitrine je sens que je vais craquer. Seulement j'ai pas pris ma carte de crédit avec moi. Je suis con je sais. J'ai du cash, je dois avoir 50$, je pensais que ça serait suffisant pour tout ce que j'aurai eu envie de m'acheter pendant cette petite sortie. A croire que non. Fais chier. Je suis pas super loin de chez moi mais si quand même. Je mettrai une bonne demie heure à rentrer à pied. Mais au pire je peux prendre un bus. Ca me fait penser qu'il faudra que je me reprenne une carte de transport. Ou pas. Je prendrais peut-être le taxi comme un riche. Oui je suis riche. Mais je n'ai pas vraiment le style de vie d'un riche. Fais chier j'ai trop envie de cette guitare. Je suis dans mes pensées quand j'entends mon prénom. Merde. Qui c'est... J'ai un peu peur de me retourner. J'espère que c'est pas une fan ou quoi. J'ai pas envie de discuter avec une inconnue. Allé je prends mon courage a deux mains et je me tourne pour faire face à Sio. Oh putain. Si j'avais pensé que j'aurai pu la revoir ici. On a perdu contact depuis pas mal d'années maintenant. Je n'aurai jamais cru qu'elle soit toujours dans le coin. Je l'imaginai à Los Angeles ou un truc du genre, avec un beau surfer au bras.

« Sio... »

Wow notre conversation vol super haut. On est doué tous les deux. Ca fait genre... Cinq ans qu'on s'est pas vu. Bordel. Cinq quand. Une éternité. Elle n'a pas changé d'un poil. Enfin, si, mais je la reconnais parfaitement. Je suis content que ce soit elle. C'est la première interaction que j'ai avec quelqu'un qui n'est pas de ma famille depuis que je suis revenu. En même temps c'est aussi la première fois que je sors de ma chambre.

J'espère que je ne vais pas tomber sur d'autre gens. Je n'ai pas envie que ce soit si fréquent. Je veux rester tranquille dans mon coin le temps que je me réadapte à la ville. C'est vrai ce n'est pas en me baladant dans les rues que je vais réussir à esquiver les gens. Je suis très paradoxal. D'un côté je veux sortir pour reprendre possession de la ville qui m'a manqué et d'un autre j'ai envie de voir personne. Faudrait juste qu'ils désertent tous les rues et ce serait parfait. Je me demande si avec tout mon fric je peux faire ça. Certainement pas.

« Ca fait un baille... »

Le truc de base, c'est clair. Mais je ne sais pas quoi dire. Je suis quand même choqué de la voir là. J'espère qu'elle va pas se jeter dans mes bras. Je ne sais pas quelle réaction je pourrais avoir. J'ai changé depuis mon agression. Même si je vais beaucoup mieux, les contacts physiques avec les gens sont toujours très pénibles et difficile.

« T'habites toujours dans le coin ? »

Question trop con mais je ne sais pas quoi dire et on a l'air de deux cons comme ça à se regarder sans parler. Il fallait bien que je lance un genre de sujet. Je n'ai pas envie que des gens s'arrêtent à nous contempler (oui parce qu'on est beau tous les deux).