La jolie brunette entra d’un pas assuré dans le St Boniface Hospital, établissement qu’elle connaissait maintenant par cœur. Elle salua les secrétaires à l’accueil, et se dirigea vers la salle de repos qui contenait les casiers, pour se changer : enfiler les imitations crocs qu’elle détestait tant, et une blouse blanche. Un sourire s’afficha sur ses lèvres lorsqu’elle accrocha son badge, Kelsey Elder – Interne en médecine. Même si les journées étaient éprouvantes ici, jamais elle ne regretterait son choix de devenir médecin. Certes, elle avait dû réduire considérablement les soirées, même si cela ne l’empêchait pas de sortir, de voir du monde, et des hommes. Des hommes qui lui feraient oublier Sacha. Plusieurs mois étaient passés, et même si la douleur s’était effacée, il restait la rancœur, les blessures de l’ego. Jetée pour une française qui étudiait la photo, qui n’était pas sportive pour un sous et qui détestait tout ce qui touchait au monde de la fête. Il était devenu fou ! Kelsey pensait que cette idylle ne durerait pas longtemps, mais il faut croire qu’elle se trompait – pour son plus grand malheur. Elle secoua la tête, comme pour le chasser de son esprit. Autant commencer la journée sur de bonnes bases ! Elle s’attacha ses longs cheveux bruns à la hâte, et sortit de la salle.

Quelques heures plus tard.
Quelle journée tranquille, aujourd’hui ! Un mardi banal, une salle d’attente vide, et aucune urgence à l’horizon. C’était presque un miracle. Kelsey avait passé le week-end à courir partout, à croire que les gens s’étaient donné le mot pour se fermer la portière de la voiture sur les doigts ou la tête, tomber dans leur barbecue, ou autres accidents bêtes qui fleurissent avec le printemps et les week-ends ensoleillés. A vrai dire, il y en avait certains de vraiment drôle, et il était très dur de se retenir de pouffer lorsqu’on vous expliquait en détails le comment du pourquoi. Alors forcément, les rires fusaient des salles de repos, lorsque les internes, médecins et infirmières prenaient une pause. C’était mieux lorsque c’était joyeux ! Surtout que hier, elle avait été de journée université. Quoi de plus barbant que d’écouter un cours théorique sur ce que vous avez pu appliquer en vrai, de rester assis tout la journée alors que vous êtes désormais habitué à parcourir l’hôpital en long, large et travers ! Cela faisait toujours du bien de retrouver l’hôpital, et c’était le jackpot lorsqu’il était calme.

Calme, c’était un bien grand mot. Son bipper venait de fonctionner, une urgence arrivait, emmenée par un camion de pompier. Kelsey se rendit en vitesse à l’accueil et attendit, entourée de plusieurs autres internes, l’arrivée du camion. Il s’agissait apparemment d’un accident de voiture, avec des victimes plus ou moins touchées. La sirène se fit entendre, les secouristes et pompiers descendirent et expliquèrent la situation. Le chef décidait de qui prenait quel patient, et Kelsey hérita d’une petite fille qui, attachée à l’arrière de la voiture, ne semblait souffrir que d’une plaie au visage qui nécessiterait des points et de quelques bleus. Elle s’en sortait mieux que l’occupant de la voiture d’en face, dans un sale état, dont l’équipe l’amenait déjà au bloc opératoire. Sans prêter attention à qui était autour d’elle, elle s’accroupit pour se mettre à la hauteur de la petite fille, et dit d’une voix douce : Ils vont s’occuper de tes parents, ne t’inquiètes pas ils sont entre de bonnes mains. Moi, je m’appelle Kelsey, et je vais soigner le petit bobo que tu as sur le front, tu es d’accord ?

Au moment de s’éloigner vers un box de soin, elle croisa Sean, en tenue de pompier. Elle le gratifia d’un sourire et revint vers lui lorsqu’elle eut fini de s’occuper de la petite fille, prise en charge par ses grands-parents qui venaient d’arriver.

Sean était de garde depuis près d'une dizaine d'heure, quand la sirène retentit de nouveau dans la caserne. Durant tout le week-end des interventions s'étaient suivis: dégâts des eaux, malaise, accidents ménagers habituels diverses et variés. Rien d'intéressant très franchement. Ce que Sean aimait lui, c'était l'action. Il était devenu accroc à l'adrénaline, comme on deviendrait accroc au crack ou à l’héroïne. Cette sensation était devenu un besoin vitale. Sean avait eu l'impression de vivre pour la première fois en sortant de son premier feu. Cette fournaise qui lui avait sembler d'abord digne d'être l'enfer sur terre, l'avait fait vibrer comme jamais. Ces gens qui pleuraient dans ses bras quand il avait réussi à sortir les personnes qu'ils aimaient des flammes de l'enfer était le meilleur des remerciements. Lui aussi aurait aimer pleurer dans les bras d'un pompier et le remercier toute sa vie pour lui avoir ramener ses parents, mais l'histoire se déroula autrement dans son cas. Les cris de ses collègues le ramena à la réalité.

Il courut en direction du camion rouge qui l'avait tant fait rêver étant gamin. Sean portait déjà son uniforme, vous savez celui sur lequel les femmes ont l’habitude de fantasmer. Il grimpa et prit place sur une des banquettes à côté d'un de ses collègues. Les pompiers de Winnipeg se dirigeaient à présent sur un accident de la route entre deux voitures qui avaient eu une collision frontale assez violente d'après les informations qu'on leur avaient donnés. Quand ils lallaient sur ce genre d'intervention, l'ambiance durant le trajet était toujours tendu. Ils se préparaient toujours au pire, ils ne savaient pas vraiment à quoi s'attendre et ce qu'ils allaient réellement découvrir une fois sur place. Aujourd'hui était un de ces jours là.

Arrivés sur place, on pouvait tout de suite voir l'étendu des dégâts sur les véhicules endommagés. Un blessé grave pour le conducteur de la première voiture et quelques blessures superficielles pour les passagers de la seconde. Une fois les premiers soins donnés direction l'hôpital sirène hurlante dans les rues de Winnipeg pour déposer les blesser. Arrivé sur place, il vit une grande brune aux yeux perçant s'occuper des premiers blessés arrivés. Sean essaya de lui faire un signe, mais apparemment pas assez visible pour que Kelsey l'aperçoit.  Après avoir donné toutes les informations aux différents médecins sur les conditions de l'accident, de l'état des blessés, il croisa Kelsey de nouveau qui cette fois l'interpella.

- Tu repars tout de suite ou tu as le temps de prendre un café ?

Sean rigola de la voir lui demander ça. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait qu'elle n'avais pas l'air spécialement d'être de bonne humeur à l'expression de la jeune femme. Il l'a prit par le cou et lui fit un petit bisou rapide sur la joue.

- Haaaaa sa y est mademoiselle le docteur m'accorde enfin un peu de son temps. J'ai crus que tu viendrais jamais faire un câlin à ton bon vieux Sean.

La relation entre Kelsey et Sean était vraiment particulière et difficilement explicable à quelqu'un d'extérieur. Ils avaient l'habitude de se taquiner, se câliner, se confier et s'engueuler un jour sur deux. Il ne savait pas ce qui la tracassait mais il savait que quand c'était le cas, le ton montait facilement entre eux deux. Il accepta l'invitation de la jolie brune et l'attira vers la cafétéria de l'hôpital.

- Allez viens tout me raconter que je sache qui je dois aller menacer.

Il lui fit un sourire digne d'hollywood, la prit dans ses bras et l'attira vers une table un peu reculé.

Kelsey regarda la petite fille s’éloigner. Elle espérait que les parents, dont elle ignorait l’état, n’étaient pas en trop mauvais point. Elle-même ne s’entendait pas avec ses parents – trop bling-bling, pas assez aimants – mais elle aurait été très malheureuse s’il leur été arrivé quelque chose. Même si elle avait compris, au fil des années, qu’ils n’étaient restés ensemble que parce qu’elle avait pointé le bout de son nez ! Chassant l’image de ses parents de son esprit, elle porta son attention sur Sean à qui elle avait posé une question. Déjà qu’elle avait dû lui passer devant sans le voir, trop concentrée par les patients qui venaient d’arriver, elle n’allait pas non plus lui poser une question et ne pas écouter la réponse. Il était gentil, mais quand même !

Mais bon, à l’expression de son visage, Kelsey pouvait deviner qu’il ne lui en tenait pas rigueur ! Il rigolait, avant de lui attraper le cou et lui planter un bisou sur la joue. Est-ce qu’il se moquerait de moi, là ? En même temps, elle ne pouvait pas trop lui en vouloir, quand elle exerçait, elle était sur une autre planète ! Hyper concentrée, c’était comme si elle était dans une bulle avec son patient. Alors même s’il y avait une bombe tel que son meilleur ami qui attendait avec les pompiers, elle ne le remarquerait pas ! Kelsey était une femme et elle ne pouvait pas nier qu’il n’était pas un bel homme. Pourtant, elle n’avait jamais eu envie d’aller plus loin qu’une amitié. Bon, une amitié hors du commun il fallait l’admettre, mais une amitié quand même. Quand ils ne sont pas d’accord, ça s’entend ! Mais ça ne dure que peu de temps. Tout le monde savait qu’il valait mieux parler à la jolie brune lorsqu’elle sortait des bras de Sean que d’une engueulade : cela la rendait d’humeur massacrante ! « Haaaaa sa y est mademoiselle le docteur m'accorde enfin un peu de son temps. J'ai crus que tu viendrais jamais faire un câlin à ton bon vieux Sean ».

Elle le suivit en direction de la cafétéria. « Allez viens tout me raconter que je sache qui je dois aller menacer ». Ca pour le coup, elle n’était pas fan. Kelsey savait très bien que Sean ne goberait pas un « Mais non, tout va bien ! » alors qu’elle avait discuté avec Autumn de comment embêter (pour rester poli bien entendu) Sacha et Léna. Elle se savait pathétique, mais que voulez vous, la vengeance est un plat qui se mange froid. Quand elle n’appréciait pas quelque chose – ou quelqu’un ! – il fallait qu’elle y remédie. C’était plus fort qu’elle ! Si, en plus, elle avait une camarade à ses côtés … ça allait barder ! Elle aurait aimé ne jamais avoir rien ressenti pour Sacha. Dès le début, tout le monde lui avait dit que c’était une grave erreur. Mais elle en avait fait qu’à sa tête, et même si elle savait qu’un jour où l’autre, il serait parti car il ne l’aimait pas, elle ne supportait pas avoir été quittée pour une petite française inconnue au bataillon !

Arrivée à la cafèt, Kelsey commanda un expresso tout simple, et attendit à côté de Sean pendant qu’il commandait. Elle essayait de trouver une parade pour changer de conversation, et éventuellement la ré-axer sur Sean plutôt qu’elle !

La jeune femme n’avait aucune envie de parler d’elle. Même si c’était à Sean, qui la connaissait pas cœur, elle et ses histoires à rallonge. S’ouvrir aux autres, ce n’était pas son fort. Elle n’aimait pas quand on la voyait faible, sans contrôle. Sean n’y échappait pas, pour la simple et bonne raison qu’il était un homme. Elle savait qu’il n’y aurait jamais rien de plus qu’une forte amitié entre eux, mais qu’importe. Elle ne voulait pas lui rappeler une nouvelle fois qu’elle avait échoué ! Pourtant, malheureusement pour elle, il la connaissait. Son claquement de doigts, impatient, en était la preuve. Il avait compris que quelque chose clochait et qu’il risquait de ne pas apprécier la suite de la conversation ….

Ce fut le bruit de son poing sur la table qui ramena Kelsey à la réalité. Oups, il n’avait vraiment pas l’air de bonne humeur. Bon sang, il voulait rameuter tout l’hôpital ?! La brunette lui jeta un regard noir, signe que ce n’était pas le meilleur moyen de se faire écouter. Elle n’aimait pas beaucoup se faire brusquer ! « Tu comptes te faire désirer longtemps mademoiselle la princesse à me dire ce qui se passe ? Ou je dois me brûler l'intégralité du corps pour avoir une réponse de ta part ». Bien sur qu’elle était consciente qu’elle faisait sa princesse, mais n’aimait pas se le faire rappeler. Après tout, s’il n’était pas content, il pouvait le boire seul, son café !

Il avait le don de la mettre hors d’elle, mais au fond, elle ne pouvait pas se passer de lui. C’est pour cette raison qu’elle inspira un bon coup avant de répondre, ne voulant pas s’énerver plus que lui ne l’était déjà.

Et ce n’était pas ce qu’il était en train de faire qui allait la faire changer d’avis. Monsieur McCauley s’amusait à faire des clins d’œil aux jolies infirmières qui passaient à côté de leur table, et cela faisait bouillonner Kelsey, qui le fusilla du regard.

Voilà, il avait eu ce qu’il voulait. Rendre folle Kelsey. La jeune femme se doutait qu’il jubilait ! Mais au passage, elle avait réussi à détourner la conversation.