Endormi, bien enroulé au chaud dans sa couette moelleuse épaisse et chaude, les vibrations créées par son cellulaire sur le bois de sa table de nuit le réveillent en sursaut. Les yeux encore mi-clos, embués, il doit avoir des cernes à faire peur, il déchiffre avec peine le prénom qui est affiché sur l'écran, seule source de lumière de la pièce. La bouche pâteuse, il répond avec inquiétude. Il s'agit d'Amber, et son téléphone indique une très avancée de la nuit, cela ne lui dit rien de bon. « Amber ? Qu'est-ce qu'il se passe ? » Il frissonne en se mettant hors de la couverture sur le bord du lit, avec pour seul vêtement son boxer, en écoutant la benjamine McCauley lui expliquer la raison de son appel. « Laisse-moi juste le temps d'enfiler mes fringues et j'arrive. Envoie l'adresse. » Pris de panique, ne voulant pas laisser sa petite princesse attendre seule sur un trottoir trop longtemps, il sauta hors de son lit, enfila aussi vite que possible son jean et son t-shirt de la veille, seuls vêtements à porté de main qui jonché le sol. Il met ses chaussures, sans même prendre le temps de passer des chaussettes ou d'en nouer les lacets. Juste le temps encore d'avaler un verre d'eau pour hydrater sa bouche sèche et lui ôter ce goût affreux, d'attraper sa veste en cuir et les clefs de son Audi A1 rouge.

Le moteur vrombit, Bryan file à vive allure, bien au-delà de la limite autorisée, il aura de la chance, s'il ne se fait pas arrêter pour excès de vitesse. Il s'en fiche de se prendre une amende, tout ce qu'il veut, c'est récupérer sa blondinette préférée. Elle est là, elle l'attend. Le jeune homme se gare juste à sa hauteur. La portière s'ouvre, elle entre et un baiser se dépose sur sa joue, le grand frère protecteur en lui sourit, Amber va bien. « Ça va ? J'ai pas été trop long ? » Avant de redémarrer, il prend sa veste, qu'il n'avait non pas passé sur lui, mais posé sur la banquette arrière, et la pose sur les épaules de sa sœur. « Hum, je pense que tu as bien fait d'éviter. » Il laisse échapper

FANTÔME N°4 parce qu'elle était JALOUSE ET VOULAIT L’HÉRITAGE, prochain fantôme: "et si on retournait sur les bancs de l'école?"

un léger rire, sachant parfaitement ce que le résultat aurait donné, si l'un ou l'autre des deux autres frères McCauley étaient venus la chercher. « Ta soirée s'est mal passée ? » Il n'a pas l'intention de lui faire un interrogatoire digne des grands commissaires de police, mais il reste curieux, et surtout inquiet, ce n'est pas dans les habitudes d'Amber. Il comprendrait tout à fait si elle ne souhaite pas s'étaler sur le sujet, et il n'insistera pas, mais il attend tout de même un minimum, juste pour se rassurer et s'assurer qu'elle n'a rien eu. « Un bon chocolat chaud dans un café encore ouvert, si on en trouve un, avec ton grand frère te tente ? »

Réveillé au beau milieu de la nuit par sa petite sœur, Bryan n'arrive même pas à lui en vouloir, il l'aime trop pour ça. Tous deux ont toujours eu une complicité qu'ils n'ont pas avec les deux autres garçons de la fratrie. Il n'arrive pas à lui en vouloir, mais plus que cela, il arrive encore à rire de la remarque d'Amber concernant sa vitesse irraisonnable, remarque à laquelle il se contenta d'un regard malicieux et d'un sourire en guise de réponse. « Évidemment que je ne leur dirai rien. Tu es saine et sauve, il n'y a donc aucune raison de dire quoi que ce soit à Aaron et Sean. » Bryan adresse un clin d'œil à sa cadette.

Le jeune homme écoute attentivement sa sœur lui expliquant la raison de son appel. Il grimace un peu, n'appréciant que très moyennement qu'Amber se soit retrouvée dans ce genre de soirée qu'il exècre et dont leurs ainés sont friands. « Au moins, sur ce point-là, nous sommes d'accord, ça me rassure. J'ai fait la connerie, une seule et unique fois, de suivre Sean et Aaron. Ce fut la plus grosse erreur de ma vie. » Sans connaitre ce secret qu'il cache, ses mots peuvent sembler exagérés, ce n'est pourtant nullement le cas, Bryan a pesé chacun d'eux. Il est bien parti pour une petite leçon sur les risques et dangers de ce style de fête, mais il s'abstient, sentant que la benjamine en a déjà probablement conscience, même sans forcément pour autant savoir jusqu'à quel point. Tant qu'elle les évite, inutile de l'effrayer, et encore moins d'éveiller des soupçons et de l'inquiétude envers lui. C'est à lui de se faire du souci pour sa petite sœur et non l'inverse.

L'Audi rouge reprend son chemin, cette fois, à une allure tout a fait respectable. Jamais, Bryan ne mettrait volontairement, la vie de sa sœur adorée, en danger. « De rien, c'est normal. Je t'aime et je ferais n'importe quoi pour toi. » N'ayant pas pour habitude de fréquenter cafés et autres bars, encore moins au beau milieu de la nuit, il ignore totalement s'il y en a d'ouvert, et si oui, lequel. Peut-être Amber connait-elle un endroit tranquille où ils pourront boire ce chocolat qu'il vient de lui proposer. « Amber, tu sais où on peut aller ? J'avoue que même de jour, ce n'est pas trop le genre de lieux où je me rends. » Il rit en la regardant. Erreur. Au moment où il repose son regard sur la route, un chat qu'il n'avait pas vu, traverse juste devant le capot de la voiture. Il freine brusquement.

Heureusement, à cette heure tardive, les rues sont quasiment désertes et il n'y a personne derrière eux. Bryan a même réussi à éviter l'animal, qui a détalé, paniqué, depuis déjà plusieurs secondes. « Ça va, tu n'as rien ? » Sa première pensée va à Amber, la suivante le concerne. Quel grand frère pitoyable il fait. Il vient pour l'aider et il manque de peu l'accident. « Je suis désolé Amber. » Le jeune homme s'en veut et il ne peut cacher son sentiment de culpabilité de l'avoir mise en danger. Il s'inquiète tellement pour elle, qu'il ne remarque pas, qu'il s'est lui-même blessé. Son front a tapé sur la poignée au-dessus de la porte de son côté. C'est léger, mais il saigne un peu...

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Ce pseudo accident tombe à point. En regardant sa petite sœur, riant avec elle, Bryan n’était plus concentré sur la route. Heureusement, ses yeux reportèrent leur attention devant eux au bon moment, le jeune homme réussit à éviter le chat qui traversait devant eux. Un freinage un peu brusque, finalement il garde le contrôle de son Audi, mais s’arrête net sur la route. Immédiatement, il s’inquiète auprès de sa cadette, elle va bien, il laisse échapper un soupir de soulagement, sans se rendre compte que lui-même est blessé. Ils n’ont rien ou du moins pas grand-chose et cela lui a permis d’esquiver la question d’Amber concernant sa réponse sur la fameuse soirée qui fut la plus grosse erreur de sa vie. Il a envie de se mettre des baffes, il aurait dû se douter que même juste cette simple phrase éveillerait la curiosité de la blondinette, il la connait pourtant bien. Vraiment, il devrait faire plus attention à ce qu’il dit, s’il veut protéger son secret plus longtemps. Mais au fond, a-t-il vraiment encore envie de le cacher, l’a-t-il seulement un jour vraiment voulu ? Non, il se l’est imposé, par peur, par lâcheté, mais en réalité, il aimerait pouvoir leur parler. Il aimerait leur dire ce qui le ronge à petit feu, leur dire que ses jours sont comptés, que même si pour le moment il semble aller bien, son état peut se dégrader du jour au lendemain et qu’il peut partir plus vite qu’ils ne le voudraient. Bryan voudrait les préparer à cela, à cette évidence inéluctable, à cette fatalité. Il voudrait les voir le soutenir sans montrer de pitié, il voudrait les sentir plus unis que jamais autour de cette épreuve qu’ils pourraient traversés ensemble, au lieu de la vivre seul, dans l’ombre de son mensonge depuis tant d’années. Il voudrait... Il voudrait... Il n’ose pas.

Gêné, et bien qu’il n’y a aucun dégât à déplorer, que la rue est déserte et que même ce foutu chat n’a rien, il ne peut s’empêcher de s’en vouloir. « Oui, mais bon quand même, j’aurais dû faire plus attention. On a eu de la chance, mais ça aurait pu être pire. Si tu avais eu ne serait-ce qu’un bleu, mon Dieu, je sais pas ce que j’aurais fait. » Le ton de sa voix est un peu monté, mais il est plus en colère contre lui-même que contre qui que ce soit d’autre, le félin inclus. Les yeux baissés, il va pour redémarrer la voiture quand Amber l’en empêche en parlant de saigner et qu’elle vient lui coller un mouchoir sur le front. Il ne l’a pas vu venir, il n’a même pas senti sa blessure. Impulsif, surtout quand sa touche de près ou de loin à sa maladie, cette fois il s’énerve vraiment, limite agressif. « Ne me touche pas ! » Et lui ôte avec vivacité et peut-être un peu trop de force sa main, en lui arrachant au passage le mouchoir désormais taché de ce sang impur. Il le replace lui-même à l’endroit de la blessure en regardant l’importance de la plaie dans le rétroviseur central. Rien d’important, heureusement, mais c’est déjà trop pour lui.

Bryan marmonne et peste à demi-mot, pour lui, contre lui. Il n’accorde pas un regard à sa sœur, il ne lui en veut pas, elle ne sait pas et c’est entièrement sa faute à lui, rien qu’à lui. S’il le lui avait dit, elle n’aurait pas agi comme ça, elle voulait seulement faire bien, il le sait. Décidément, entre croiser Aaron devant l’hôpital et maintenant ça, il va sérieusement commencer à songer à le leur avouer, il lui faut juste trouver ce fichu courage qui lui fait défaut depuis le départ. « Non, c’est bon, je peux conduire, mais tu as raison, on rentre à la maison, JE me soignerai, et on se boira ce fameux chocolat ensemble chez nous. » Il ne la regarde toujours pas, mais avec un peu de travail sur lui-même, il réussit à se calmer suffisamment pour cette fois répondre plus calmement et sereinement à sa sœur. Toutefois, il a bien pris soin d’insister sur la première personne du singulier pour parler de se soigner, lui faisant ainsi comprendre qu’il préfère s’en charger seul. Il apprécie qu’Amber veuille s’en charger, mais c’est pour sa sécurité à elle qu’il lui évite cette tâche.

Sur le point de redémarrer, il se coupe dans son élan, et cette fois pose son regard bleu embué par les larmes qu’il retient, sur sa cadette. Ses yeux descendent vers les mains de la demoiselle, c’est bon, elle n’a pas touché le sang autrement qu’avec le mouchoir. Soulagé, enfin il fait vrombir le moteur de son bolide et sans détourner un seul instant son attention de la route finit le trajet jusqu’à leur domicile en toute sécurité. Garé devant la maison, il coupe le moteur, défait sa ceinture et en sortant du véhicule regarde timidement Amber. « Je suis désolé de m’être emporté, je ne voulais pas. Excuse-moi. » Bryan lui sourit faiblement puis ajoute. « Tu te charges de préparer ces fameux chocolats chauds le temps que je passe à la salle de bain nettoyer ça. Et n’oublie pas la chantilly. » Sa bonne humeur revient peu à peu, le détail de la chantilly le fait rire. Généralement, quand tous les deux en ont à portée de main, cela finit inlassablement en bataille. Bataille, que bien souvent Bryan perd.

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