"Maman, regarde !" Les yeux écarquillés devant la vitrine, je regardais cette robe qui me faisait tant envie. À cette époque, je n'étais pas plus grande que le mannequin sur lequel elle était exposée. Ma mère vint près de moi et me caressa les cheveux en riant légèrement. Je levais ma tête vers elle, l'air déçu. "Pourquoi tu rigoles ?" "Je pense qu'il te manque encore quelques centimètres pour la porter ma chérie." Je baissais mon regard et fis une petite moue. "Quand je serais grande tu me l'achèteras ?" "Promis mon coeur." Ma mère me déposa un baiser sur le front et nous voilà repartie pour notre journée shopping. Tous les samedis, c'était le même rituel. Étant donné que je ne voyais pas beaucoup ma mère la semaine, elle faisait tout son possible pour rattraper le temps perdu les week-ends. J'adorais cette journée et chaque semaine je l'attendais comme le messie. En revanche avec mon père nous ne sortions pas beaucoup. Étant donné qu'il était atteint d'un cancer, il sortait très rarement de la maison. Ce qui ne nous empêchait pas de passer du bon temps ensemble. Je me rappelle que lorsque qu'avec ma mère, nous rentrions les bras chargés de sac remplit de vêtements à la maison, il levait les yeux au ciel. Il ne comprenait pas qu'on puisse dépenser autant d'argent là-dedans. C'est pour cette raison qu'il sortait chaque fois cette même phrase : "Tu perdrais moins d'argent si tu les faisais toi-même !" Au départ destiné à ma mère, en grandissant cette phrase fit tilt dans ma tête. Au final, il n'avait pas tort. Les vêtements étaient une telle passion pour moi, que je pourrais même en faire mon métier pourquoi pas. C'est ainsi que je commençai des études dans la couture. Déjà au collège, je prenais des cours par correspondances pour m'entraîner. Je passais mes journées entières à confectionner des vêtements en tous genres. Je me rappellerais toujours la joie que j'ai ressentie quand ma mère m'a offert ma première machine à coudre. J'en rêvais tellement. 

Au collège je n'avais pas tellement d'amis. J'étais tellement plongé dans ce que je faisais, que j'en oubliais ma vie sociale. Je ne pensais qu'à une chose, rentrer chez moi pour faire des créations. J'avais beau être jeune, j'étais plutôt douée mine de rien et mes parents étaient fiers de moi. J'avais trouvé ma voie. Là où les choses ont changé c'est lorsque je suis entrée au lycée. Les petits copains, les sorties. Autant vous dire que j'avais mis ma machine à coudre un peu de côté. Comme tous les adolescents, j'ai faits quelques bêtises plus ou moins graves. Je voulais tester mes limites ce qui avait le don d'énerver mes parents la plupart du temps. Mais je suis vite rerentré dans les rangs et je me suis assagis au moment où je sus que l'état de mon père s'aggravait. Ma mère étant fatigué de cette situation, je faisais mon possible pour m'occuper de tout. Je faisais la cuisine et la plupart des tâches ménagères. J'étais devenu une vraie petite fée du logis. C'est de cette façon que je suis devenue très vite indépendante. Notre vie n'était pas parfaite, mais nous faisions notre possible pour nous en rapprocher. Jusqu'au jour où ma vie bascula entièrement.

C'était il y a un an. Le cancer de mon père avait connu de nette amélioration. Il sortait même de temps en temps et reprenait goût à la vie. Jugeant qu'il voulait à présent profiter de la vie avant qu'il ne soit trop tard, mes parents décidèrent de partir faire un petit voyage. Certes, ils ne partirent pas loin au cas où mon père ait un souci, mais c'était déjà ça. Ça me faisait plaisir de les voir heureux. Ils me laissèrent donc le soin de m'occuper de la maison. Aucun problème pour moi, je m'étais bien formé pendant des années. Ils prirent donc la route après m'avoir fait un interminable câlin. C'est seulement une heure plus tard que j'appris leurs accidents. Il pleuvait à torrent ce jour-là et ils avaient perdu le contrôle de la voiture. Mon père voulait partir pour profiter de la vie et en retour il mourut. La vie est parfois ironique, mais surtout très cruelle. Enfermée chez moi jour et nuit, je n'avais plus gout à rien. J'avais délaissé ma passion pour la couture ainsi que mes études. Je ne me rendais plus en cours, je ne voyais plus personne et je tombais petit à petit en dépression. Je n'avais même pas assez d'argent pour pouvoir tout gérer. Je croulais sous les factures et l'assurance-vie de mes parents ne suffisait malheureusement pas. Tout partait de travers. Certes, j'avais le soutien du reste de ma famille et du voisinage, mais ce n'était pas assez. Comment est-ce que ça pourrait être assez de toute façon. Mes parents étaient mort et ma vie était devenu un cauchemard que je vivais chaque jour. 



Plus le temps passait et plus j'ai décidé de ne plus m'apitoyer sur mon sort. Je devais marcher la tête haute et être courageuse comme je l'avais toujours été. Mes parents n'auraient certainement pas voulu que je devienne dépressive et je voulais continuer à les rendre fiers. Alors j'ai décidé de reprendre mes études et de me mettre un masque. Le masque d'une jeune femme épanouie et heureuse. Peut-être pas la bonne solution, mais c'est la seule qui me vint à l'esprit. J'étais donc redevenu la petite fille pétillante et pleine de vie que j'étais. Seulement, la plupart du temps ce n'était qu'une simple carapace. La seule façon que j'avais trouvée pour me vider l'esprit, c'était le sport. Je ne m'en doutais pas encore, mais grâce à ça, j'allais tomber sur un homme qui allait changer ma vie.

Comme à mon habitude, je sortais faire mon jogging quotidien lorsque je tombai sur une voiture qui attira mon attention. Elle avait l'air abandonnée et visiblement, une personne vivait à l'intérieur. Choqué et quelque peu attristé pour cet homme SDF, je continuais mon footing, l'esprit préoccupé. Une fois chez moi, je m'en voulais d'avoir faits demi-tour. Le pauvre avait très certainement besoin d'aide et je ne m'étais pas arrêté. Puis c'était tellement rare de croiser des SDF dans ce quartier, j'étais intrigué. Le lendemain, c'est donc ma curiosité qui l'emporta. Pour la première fois, je partis faire mon jogging avec une destination bien précise. La voiture étant vide, je patientais sur un banc en face en attendant de voir une personne arriver. Une personne pouvant être ce sans abri. Au bout d'un certain moment, je vis un jeune homme arriver vers moi. Quelle ne fut pas ma surprise de me rendre compte que c'était lui. Il n'était pourtant pas négligé et même plutôt charmant. Bizarrement, j'avais ce désir de l'aider. Il hantait mes pensées et je n'arrêtais pas de penser à son visage. Il était peut-être temps de changer les choses et pourquoi ne pas arrêter de vivre seule. Lui en avait plus besoin que moi et j'étais bien décidé à lui venir en aide.